Monday, March 13, 2006

Les élections du CFCM et le passage du symbolique aux réalisations concrètes.


Les élections du CFCM et le passage du symbolique aux réalisations concrètes.

Le besoin de créer une instance représentative de l’Islam en France a été ressenti par un grand nombre croissant de responsables musulmans locaux soucieux de solidariser les efforts en vue de faciliter l’exercice du culte musulman, de rationaliser le financement des mosquées et de rénover l’enseignement religieux.
Dans le même temps, l’Etat a exprimé le vœu d’avoir des interlocuteurs musulmans représentatifs.
En répondant à ces deux demandes, la mise en place du CFCM en 2003 a revêtu une importance symbolique considérable. L’implication de plusieurs ministres de l’Intérieur dans le lent et difficile processus d’organisation de l’Islam a traduit la volonté des pouvoirs publics de remédier l’absence de « politique musulmane » qui avait conduit à faire de ce culte une sorte de religion hors-la-loi. Le désintérêt pour cette importante question résultait de l’ illusion assimilationniste qui a retardé de trente ans la prise en compte de la deuxième religion de France.
Pour les citoyens français de confession musulmane, la présence d’un des leurs à la cérémonie de présentation des vœux du Nouvel An au Président de la République par les dignitaires religieux est une marque de considération aux effets psychologiques considérables. C’est là le premier élément du bilan des deux années d’existence du CFCM.
Le deuxième point a trait à la stature internationale acquise par le CFCM après l’initiative du départ à Baghdad, pour y exprimer le refus unanime par l’Islam de France du chantage exercé par les ravisseurs des journalistes arabisants, C. Chenot et G. Malbrunot. Cette mission a fait découvrir à un grand nombre de Français, pour qui l’Islam était un « problème », que la présence de plus de cinq millions de musulmans peut être un apport positif.
Cette initiative a valu également à la France la sympathie des millions d’ « enfants de Rifaa »(Guy Sorman) qui venaient d’être peinés par les excès et les raccourcis d’un laïcisme qui devient facilement agressif parce qu’il est suspicieux et craintif.
Des forces hostiles à la mise au point des relations de la France avec ses musulmans ont pris prétexte des contacts tous azimuts pris en Orient en vue d’obtenir la libération de nos deux concitoyens pris en otages, pour tenter de faire imploser le CFCM et empêcher les élections prévues pour le renouvellement de ses membres. Mais grâce au sens des responsabilités du président Boubakeur, le bureau du CFCM s’est tout de suite rendu compte que les intérêts défendus par ces passéistes par trop attachés à l’atomisation du paysage islamique, ne sont ni ceux de l’Islam, ni ceux de la France. D’où l’accord qui a été obtenu pour l’organisation au mois de juin des élections redoutées par quelques bénéficiaires des divisions.
Ces nouvelles élections peuvent être l’occasion pour le CFCM d’avoir un second souffle, en consolidant sa légitimité par la démocratisation des procédures de choix de ses membres, et en diversifiant la désignation des « personnalités qualifiées » qui peuvent être trouvées parmi les grands ordres mystiques, comme la Tidjanyia et la Qadiryia qui sont en France depuis la première guerre mondiale. Avec une légitimité renforcée, le futur CFCM pourra passer plus facilement des résultats symboliques aux réalisations concrètes.
La politique de formation et la rationalisation du financement du culte musulman figurent parmi les priorités retenues d’un commun accord avec les pouvoirs publics, en privilégiant l’exploration des possibilités offertes par le cadre légal actuel, plutôt que de songer à changer le statut des religions.
La création d’une Fondation susceptible de bénéficier des dons que les donateurs musulmans réservaient aux Waqfs(Biens de main-morte) est la solution naturelle aux problèmes du financement du culte dans un Etat laïque. Encore faudrait-il que le CFCM puisse s’affirmer comme une autorité religieuse incontestée, pour inspirer confiance à ceux qui croient aux gestes désintéressés, au nom de l’unité morale de l’Islam et de la solidarité entre croyants. On mesure mieux la vanité des petits calculs politiciens des passéistes encore attachés au démon de la discorde, si l’on tient compte de la noblesse des sentiments des donateurs et l’élévation d’esprit requise pour mériter leur confiance.
Les garanties de transparence et de sérieux dans l’affectation de ces recettes à la réalisation de projets cultuels, éducatifs et intellectuels feront augmenter le nombre de personnes morales et physiques attachées au rayonnement d’un Islam enraciné dans sa tradition religieuse et ouvert aux apports positifs de la modernité. Car elles sont persuadées qu’une telle réussite ne manquera pas d’avoir des retombées sur les pays musulmans où des crises sociales, culturelles et politiques amènent des catégories qui se sentent « humiliées et offensées » à rejeter sans nuances, et, hélas, au nom de la foi, tous les apports extérieurs.
Un tel rayonnement suppose un effort intellectuel conséquent destiné à rénover les savoirs religieux musulmans et à trouver un bon équilibre entre les « Sciences Traditionnelles »(Oloum Naqlyia) et les « Sciences Rationnelles »(Oloum Aqlyia). Le volontarisme manifesté par les pouvoirs publics devraient les amener à rompre avec les casuistiques laïcistes qui justifièrent plus d’une fois le refus étrange d’ouvrir une Faculté de Théologie Musulmane en zone concordataire. Mais compte-tenu du caractère massif de la demande d’enseignement de l’Islam d’autres établissements peuvent voir le jour ailleurs. Les collectivités locales attentives aux recommandations de bienveillance réitérées par les ministres de l’Intérieur successifs peuvent aussi, à la faveur de la loi de décentralisation, apporter leur concours au bon fonctionnement de ces Instituts, qui répondront à la demande d’information sur l’Islam chez les travailleurs sociaux, les enseignants, les équipes soignantes, les élus locaux, les personnels partant travailler dans les pays musulmans,…
Le développement de l’enseignement religieux musulman permettra de former des imams francophones en les mettant en mesure d’ajuster leurs discours aux exigences des droits de l’homme (et de la femme) et de prévenir les radicalisations, qui ont souvent des origines sociales, et prennent le religieux comme prétexte.
En attendant la réalisation de pareils projets à moyen terme, l’émission islamique peut être réformée pour l’amener à rompre avec l’empirisme de sa programmation et lui faire remplir des rôles éducatifs et informatifs susceptible d’accompagner l’action qu’attendent du CFCM ses 4000 grands électeurs. mise dès maintenant au service de ces principaux objectifs. Cela suppose son ouverture à toute une élite de musulmans qui en restent anormalement éloignés, ainsi qu’une amélioration conséquente de ses contenus religieux. Les faiblesses chroniques de cette émission étaient liées à un désordre propice à son utilisation à des fins claniques, voire individuelles. L’absence d’une instance représentative habilitée à en assumer la responsabilité éditoriale a trop longtemps servi de prétexte à ces usages peu religieux . Le CFCM est la tutelle légale de cette émission qui devrait exposer aux familles musulmanes les enjeux des futures élections et proposer à la partie de la jeunesse musulmane tentée par des modes de vie alternatifs centrés sur la seule religion, un idéal mieux adapté aux exigences de notre époque. Force est de constater que la primauté accordée à des intérêts claniques, voire individuels, ont éloigné cette émission de ses objectifs.
Les futurs responsables de cette émission, comme ceux de l’Islam de France pourront être à la hauteur des grands espoirs suscités par la création du CFCM, puis par sa mission à Baghdad, s’ils se souviennent que leurs désignations impliquent plus d’obligations que d’honneur ou de privilèges. Leur réussite dépend de leur capacité de dépasser les querelles anciennes pour se rassembler autour des grandes tâches conduisant à l’application du principe d’égalité à une religion qui fut trop longtemps méconnue, et qui peut aider à donner un meilleur contenu à la notion de fraternité.

Mohamed BECHARI.
Président de la FNMF.
Vice-Président du CFCM.